Nguer prône des relations décomplexées avec l’Afrique

23 - Décembre - 2021

DECRYPT24 - Nommé à la tête du comité Afrique du Medef, ce Franco-Sénégalais se félicite de la fin du franc CFA, symbole de la puissance coloniale.

A 59 ans, ce Franco-Sénégalais, membre du comité exécutif de Total, prône des relations « décomplexées » entre la France et l’Afrique, débarrassées de la « charge émotionnelle » héritée de la colonisation : « L’Afrique parle à tout le monde. Il n’y a pas de tête à tête incestueux avec la France. » Même si en Côte d’Ivoire, symbole du pré carré français, les entreprises tricolores ont raflé de gros contrats lors de la visite de Macron, notamment la construction du métro d’Abidjan (1,3 milliard d’euros) par Bouygues, Keolis et Alstom. Et même si la « Françafrique » a marqué ces dernières décennies, avec des relations troubles entre la France et les chefs d’Etat africains, illustrée par l’affaire Elf, société depuis absorbée par Total. « La Françafrique, je n’ai jamais compris ce que c’était, lance-t-il. Il n’y a pas de quoi stigmatiser la France. Les Américains ont eu les mêmes relations avec l’Amérique latine, par exemple. »
Sa réussite : une exception
Symbole fort, Nguer est le premier Africain à défendre les couleurs des entreprises françaises sur le continent. Né à Thiès, à 70 kilomètres de Dakar, sa réussite est l’exception au sein d’une diaspora africaine qui ronge son frein. « Contrairement aux Etats-Unis et au Royaume- Uni, la France ne valorise pas cette diaspora, qui a fait ses études en France mais qui s’en va ailleurs car on ne lui donne pas sa chance, déplore ce diplômé de l’Essec. La France est bien trop conservatrice. Mais le discours change. » Nguer est sensible à l’initiative d’Emmanuel Macron, qui a vanté les mérites de cette diaspora lors d’un grand raout avec 400 personnalités à l’Elysée en juillet dernier.
Autre symbole fort, son ascension au sein de Total. Nguer se souvient de ce petit-déjeuner, au printemps 2016, à Johannesburg, la métropole sud-africaine, avec Patrick Pouyanné, le patron du pétrolier, qui lui propose alors d’entrer au comité exécutif. Au bout de trente-deux ans de maison, c’est une consécration. Mais il ne veut pas être « l’Africain de service » dans un groupe encore très présent sur le continent noir. Et pose la question taboue : « Me nommes-tu pour le symbole ou pour mes compétences ? » Pouyanné le rassure : c’est bien pour son talent. Sinon, Nguer aurait refusé. Ayant gravi tous les échelons - responsable de pays (Kenya, Cameroun, Sénégal) avant de diriger le pôle marketing et services -, il voudrait que sa promotion soit banale, comme celle d’un homme blanc au parcours similaire. « Elle est considérée en France comme sortant de l’ordinaire », regrette-t-il.
Son credo : l’afro-optimisme
Dans ses nouveaux habits d’ambassadeur des entreprises tricolores, il revendique son credo : l’afro-optimisme. Pourtant, les sociétés françaises ont vu leur part de marché en Afrique subsaharienne divisée par deux en moins de vingt ans, au bénéfice de la Chine. Avec une chute vertigineuse de 25 points au Sénégal, son pays natal ! Mais Nguer ne regarde que le verre à moitié plein. « Il ne faut pas vivre avec les schémas du passé. En Afrique, la croissance a augmenté le gâteau et il est normal que la France ne garde pas la même part, justifie-t-il. En vingt ans, nos entreprises ont multiplié leurs investissements par huit, à plus de 52 milliards d’euros. Elles sont installées sur le long terme. »
D’ailleurs, cet amateur d’art contemporain africain - des tableaux de Mor Faye ornent son bureau - n’est pas mécontent de voir les dirigeants du continent noir découvrir les excès de la conquête chinoise. « Ils sont en phase d’apprentissage », glisse-t-il. Et de pointer les Etats ayant cru aux sirènes de Pékin, qui leur a octroyé des prêts colossaux, remboursés aujourd’hui dans la douleur. « Quand vous voulez conquérir un marché, vous pouvez faire des choses un peu folles. » Toujours prudent, voire langue de bois, Nguer laisse entendre que les Français vont prendre leur revanche : « Il faut savoir faire le dos rond. »
Son rôle de VRP des groupes français, il l’exercera auprès des chefs d’Etat africains, qu’il connaît bien, notamment Macky Sall. Une proximité assumée : « Etre Africain, c’est un sentiment qui nous rassemble. » Un sentiment bien moins fort en Europe, a-t-il constaté. « En Afrique, les Etats ont un rôle primordial dans la vie des affaires. L’Etat agit souvent comme donneur d’ordre régulateur et prescripteur. »
Son combat : défendre Total
Cet optimiste revendiqué déplore « qu’en France on aime se faire du mal ». En dénigrant ses pépites. Pour ce soldat de Total, le bashing qui frappe le groupe pétrolier - exclu des sponsors des JO 2024 car jugé trop pollueur - est une « injustice ». « Les profits du groupe sont plutôt réalisés à l’étranger mais les emplois sont beaucoup en France », rappelle-t-il. Citant le poète antillais Aimé Césaire, Nguer juge essentiel de savoir « de quel nom vous vous appelez ». Et pour lui, le nom de Total, entreprise qui lui a offert sa chance, a été sali.
Avec Challenges.fr

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